Par Cyril Benjamin CASTRO, Président d’EUROPE POPULAIRE
Chacun a en tête l’émission récente d’ »Envoyé Spécial » sur France 2, où une vérité de l’affaire bygmalion a été sinon mise en scène, du moins expliquée avec force détails…
On y explique comment la surenchère médiatique a fait basculer des professionnels de la politique et du spectacle dans des dépenses somptuaires pour mettre en scène dans le cadre d’une campagne éclaire, énergique voire musclée la force et le dynamisme du Président sortant. Il était enterré par la presse et les sondages ; on allait réveiller la foi en rallumant la flamme devenue apathique d’un peuple de droite qui n’y croyait plus et qui se permettait à rêver d’une victoire in extremis, pour garder un pouvoir qui allait faire dans un second quinquennat ce qu’elle n’a pas su faire durant le premier soumis à la crise internationale.
En dépensant toujours plus, on se redonnait espoir. On allait rafler la mise, en doublant la mise à chaque pas.
Dans le reportage de la chaîne publique, tout était question de faire une superproduction à l’américaine, en lieu et place d’arguments, de programmes, de bilan ou de projets. Entre amis, entre soi, le clan autiste et sûr de sa légitimité exclusive autour du seul vrai chef digne de bousculer la France, l’Europe et le Monde, devait donner par la posture et la virilité le gage du « il fera mieux demain, puisqu’il est, tel qu’il est, comme on l’aime ». Et lui de devoir, à la cadence d’un Napoléon de retour de l’ile d’Elbe, gagner en 10 puis 20, puis 30 puis finalement 50 meetings magnifiques en 80 jours, ce que le petit grand Corse n’avait finalement pu faire en 100 jours, le monde contre lui mais le vrai Pays en admiration ultime. L’un et l’autre l’avaient quand même fait souffrir, ce Pays. Mais c’était pour son bien, car l’un et l’autre, agissant ainsi, lui faisaient croire qu’il était grand, puisque servi par des hommes immenses tels qu’eux-mêmes.
Mais pourquoi et comment des femmes et des hommes d’intelligence supérieure à la moyenne pouvaient alors penser qu’il suffirait de dépenser énergie, postures et argent sans limite (et ils pensaient avoir assez des trois) sans programme en socle ou en stock pour remporter la mise des 20 millions de voix nécessaires à décrocher le graal immunitaire ? Et cela a failli marcher, puisque face à une campagne hollandaise dont la sauce manquait de saveur et qui ne montait plus, structurée pour rallier les têtes d’affiche de la France du centre, la remontée du président sortant allait s’avérer une chevauchée fantastique, rendue folle et merveilleuse par la ferveur réelle de militants regonflés à bloc. Et même la défaite culminait avec un discours d’adieu d’une élégance et d’une puissance dont les fards étaient – pour le coup – superflus. On allait vibrer à la sincérité du ton et du fond, le fond dépassant la mise en scène, du fond du cœur et des yeux embrumés… La droite était battue, pas abattue. Pas humiliée, elle sortait digne d’un Waterloo légendaire, prête pour ne pas courber la tête demain…
Qui donc devait se sentir coupable des désordres à venir ? On a donné au candidat ce qui lui était nécessaire. Et lui a donné à son peuple le souffle qui devait à terme le porter à la reconduction. Peu importe les moyens, car on était malin, car on était républicain et donc était intouchable.
<< Et si le vrai coupable, c’était finalement le Peuple. Pas seulement le peuple de droite, mais le Peuple dans son ensemble ? Après tout, c’était pour lui qu’on avait fait cela. Lui qui réclamait. Lui qui en redemandait encore et toujours plus !
Ecoutait-il les programmes ? les comprenait-il ? Le Monde est complexe. Difficile à expliquer. Comment les décisions cruciales des élites pourraient-elles être restituées à chacune et chacun afin qu’il fasse un choix éclairé sur le fond ? Le Peuple ne demande pas à comprendre. Il demande à en avoir plein les yeux. >> C’est ainsi que les communicants pensent que les gens pensent. C’est ainsi que nos gouvernants croient ce que leurs communicants croient. C’est ainsi que les communicants gouvernent nos gouvernants !
Bygmalion, chère surenchère, c’est pour nous, le Peuple. Pire, c’est nous qui l’avons voulu. C’est nous qui l’avons commandé, commandité ! Nous en sommes les complices inconscients. A leurs yeux, parce que nous ne voulons ou ne pouvons pas réfléchir, que nous n’aimons tels des fans qu’aduler un chef qui ne parle que de lui et des siens, nous en devenons les coupables exclusifs.
Alors pour éviter les dérapages tels que l’affaire Bygmalion a mis en évidence, à l’insu du bénéficiaire qui n’en voyait pas l’emballement, il faut revenir à la sobriété. Et la sobriété amènera chacun à penser le fond de sa pensée. A bâtir le fort de ses fondations programmatiques. A penser France, à parler France. Le sens aurait un sens !
De plus, les candidats moins fortunés ou moins adoubés par les lobbies en tout genre auraient ainsi la chance de se faire entendre un peu plus, et même se faire voir d’autant, ce qui redonnerait du goût et des couleurs à notre démocratie phagocytée par l’argent trop pleinement dépensé.
Le Pays et son Peuple, en entier, y gagneraient, et Bygmalion, au lieu d’être le symbole de notre incurie à vouloir du spectacle plutôt que des idées, deviendrait le nom de pratiques passées que nous tous collectivement auront su mettre aux oubliettes…
Quand le Peuple saura dire haut et fort qu’une bonne idée économique, politique ou sociale non mise en œuvre et encore moins proposée coûte plus cher à la France qu’une bonne idée de communication ou de mise en scène léchée, optimisée par les meilleurs metteurs en scène du monde, notre démocratie sera en progrès. Nous saurons montrer que nous sommes définitivement devenus adultes, ensemble. Et ce moment est peut-être venu, à l’aube de cette campagne présidentielle qui est un tournant, vers le meilleur ou vers le pire, pour notre Histoire nationale !
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